Retour vers le passé!

Il paraît que l’on découvre toujours en dernier les ressources les plus proches de chez soi… je vous emmène donc dans l’Aisne pour ce nouvel article consacré à une structure atypique, le Village des métiers d’antan et Musée Motobécane, à Saint-Quentin! J’y ai récemment effectué ma deuxième visite, à l’occasion d’une réunion organisée sur place, et j’y ai redécouvert avec grand plaisir les collections présentées thématiquement, sous la forme d’une reconstitution de village.

Cette forme assez typique de l’écomusée se retrouve dans de nombreuses structures en France, comme à Dijon au Musée de la Vie Bourguignonne, ou en Alsace à l’écomusée d’Ungersheim (retrouvez mon article juste ici), mais aussi à l’étranger : je pense notamment à Morwellham Quay, dans le Devon, et au Highland Folk Museum en Écosse.

Ce qui séduit dans ce « Village » axonais, c’est avant tout l’implication des bénévoles, dynamisés par l’énergie du fondateur du lieu, Roland Lamy. Ce passionné a commencé par créer, en 1998, l’association « Loisirs et Traditions de France », dont le but premier est la sauvegarde du patrimoine des vieux métiers : cette préservation des savoir-faire anciens passe avant tout par la collecte de matériel autour duquel les bénévoles ont progressivement développé des animations : barattage, présentation d’objets, promenades en calèche… L’association auto-financée, qui accumulait les objets depuis des années sans lieu pour les présenter, a bénéficié en 2008 du soutien de la ville de Saint-Quentin, qui a mis à sa disposition la friche industrielle de l’usine Motobécane ; délocalisée à Saint-Quentin en 1951 après ses débuts à Pantin, la marque Motobécane devient MBK dans les années 80 et déserte alors ses locaux de la rue de la Fère, laissant ainsi le champ libre pour la création du musée, qui ouvre ses portes en 2012. Aujourd’hui, plus de 70% des objets présentés dans le musée sont des achats de l’association.

L’œil du Rat :

La visite dure une bonne heure, voire plus si l’on s’attarde à contempler chaque commerce : le musée s’étend quand même sur plus de 3000 m2 ! Le parcours s’articule en deux temps, le visiteur pénétrant d’abord dans le « Village » avant de découvrir le musée Motobécane, au même niveau mais un peu à l’écart.

Le Village des Métiers d’Antan est constitué d’une bonne vingtaine d’échoppes réparties le long des « rues », et présentant plus de cinquante corps de métiers et savoir-faire anciens ;  au sol, un linoléum en relief, façon « pavés », contribue au réalisme de la présentation. Les différentes reconstitutions recomposent des atmosphères typiques, peuplées de mannequins, et abritant des objets datant pour la plupart d’entre 1860 et 1960. Le tonnelier, la librairie, l’école, l’imprimerie, la boutique de la modiste, la blanchisserie, l’atelier du sabotier… il y en a pour tous les goûts, et les reproductions sont très minutieuses.

Le village est occasionnellement animé par des bénévoles costumés, qui renseignent et guident les visiteurs. Leur intervention est d’autant plus intéressante qu’il n’y que peu de cartels indiquant la nature des objets présentés, probablement pour préserver l’impression de réalisme et alléger le regard du visiteur, qui agit ainsi plus en curieux déambulant dans les « rues » qu’en touriste avide d’informations précises. Un audioguide est cependant disponible à l’accueil pour qui souhaiterait en appendre plus. Aux murs sont apposés les noms de rues, mais également des plaques plus discrètes mentionnant les entreprises partenaires et éventuellement donatrices.

Au terme du parcours, qui décrit un large « U », le visiteur a la possibilité de s’attabler sur la place centrale, pour prendre un verre au milieu des collections… et pourquoi pas pour tester le petit baby-foot vintage!

Si le « Village » accueille un public familial, la partie réservée au musée Motobécane, qui rassemble une centaine de modèles, fera plutôt le bonheur des passionnés, qui sauront faire la différence entre la « Chaudron » et le « Magnum » (ce dont je reste incapable, honte à moi). L’architecture de l’ancienne usine est parfaitement mise en valeur dans cette section, et les véhicules motorisés présentés dans l’écrin de leur contexte d’origine n’en sont que plus intéressants (vous l’aurez peut-être compris, le Rat de Musée est fan des friches industrielles… je vous en parlerai plus longuement un jour, promis! 😉 ).

 

Le + du Rat :

A l’occasion de la réunion à laquelle j’ai participé récemment au Village des Métiers d’Antan, j’ai appris l’existence d’une autre association, « L’Outil en Main », qui travaille elle aussi sur la transmission des savoir-faire, et propose de nombreuses initiations à des corps de métier plus ou moins en voie de disparition, par des professionnels, et avec de vrais outils, pour les enfants entre 9 et 14 ans. J’ai trouvé le concept génial! Pour en savoir plus, rendez-vous sur leur site, juste ici.

 

 

 

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Pont-Aven, par ses peintres.

Il y a quelques jours, le Rat Prof et moi avons profité de notre escapade en Bretagne, sous les rayons encore timides du soleil printanier, pour visiter la petite ville de Pont-Aven, et bien sûr le musée dédié aux peintres de l’école éponyme. Ayant réservé un hébergement juste à côté, nous avions prévu de consacrer une après-midi à la découverte du centre-ville, du Bois d’Amour, et de la chapelle de Trémalo, pour profiter le lendemain d’une matinée entière au contact des chefs d’œuvres de Gauguin, Sérusier et Filiger, au sein du musée qui vient de rouvrir ses portes après quatre années de travaux.

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La petite ville de Pont-Aven mérite le détour pour le voyageur traversant le Finistère ; entre charmant port de plaisance où se balancent les esquifs, galeries d’art à tous les coins de rue, et bien sûr mémoire des peintres qui y vécurent et y imprimèrent durablement leur empreinte (à moins que ce ne soit l’inverse?), les découvertes y sont nombreuses. Remontant la rue principale au hasard des devantures de galeries (et de marchands de galettes!), nous avons récupéré quelques brochures à l’office de tourisme avant d’entamer notre parcours, dans les pas des peintres…

Sur la petite place Paul Gauguin, nous avons marqué l’arrêt devant l’ancienne pension Gloanec, qui hébergea les artistes venus découvrir à Pont-Aven les charmes d’une vie bretonne non seulement plus « naturelle » mais également beaucoup moins onéreuse. Aujourd’hui transformée en librairie, il est toutefois possible d’accéder au premier étage, qui abrite une petite section réservée aux livres d’art, et où sont organisées des expositions temporaires. Dans l’escalier étroit, et malgré les réfections évidentes, une pointe d’émotion se fait néanmoins sentir, quand on pense aux peintres qui y traînèrent leurs galoches, sous l’œil bienveillant de la maîtresse des lieux (et femme d’affaires accomplie), Marie-Jeanne Le Gloanec.

De retour dans les calmes petites rues ensoleillées, c’est ensuite vers le Bois d’Amour que nous nous dirigeons, en longeant l’Aven et ses « chaos » de roches autour desquels se meuvent les eaux sinueuses. Sur ses berges, sous les frondaisons du Bois, des petits bancs sont disséminés. C’est ici que fut peint, sur un couvercle de boîte à cigares, le fameux  « Talisman », dicté par Gauguin à Paul Sérusier, concerto de bleus, de jaunes et de rouges qui devait plus tard inspirer les Nabis. La balade rattrape ensuite la ville par ses aspects les plus pittoresques, des jardins ouvriers où les rouge-gorges côtoient sans crainte le visiteur de passage, par les étroites ruelles menant aux ponts enjambant l’Aven, jusqu’au petit parc dédié à Xavier Grall, poète et journaliste breton. En ce début de printemps, les fleurs s’épanouissaient dans chaque massif, et les magnolias inclinaient avec grâce leurs grappes de pétales rosés au-dessus des eaux miroitantes… une promenade idyllique!

Nous avons conclu notre parcours à la chapelle de Trémalo, curieuse structure ramassée sur elle-même, sous la pente fuyante de son vaste toit. Moyennant une petite donation, le visiteur a le privilège d’éclairer lui-même l’intérieur de l’édifice, qui révèle d’étonnantes poutres sculptées, et surtout le « Christ Jaune », sculpture anonyme d’une grande force expressive, qu’immortalisa Gauguin à deux reprises. Un petit détour par le calvaire de Nizon (inspiration du « Christ Vert ») conclura notre après-midi.

Le lendemain, frais et dispos (et trépignant d’impatience, pour ma part!), nous voici enfin devant le musée dont nous n’avions aperçu, la veille, que les grilles closes. Nous sommes venus pour l’ouverture, mais nous sommes loin d’être seuls, quelques jours seulement après la réouverture officielle :  un car d’enfants et un groupe de seniors nous ont devancés! Prenant notre place dans la queue, nous arrivons devant l’accueil, et là… les choses se gâtent. Pas de bonjour (oui, c’est apparemment envisageable de ne pas saluer les visiteurs à l’accueil d’un musée… j’avoue qu’on ne me l’avait jamais faite, même dans les plus grands établissements culturels!), un soupir agacé quand le Rat Prof exhibe son Pass Education, les yeux au ciel quand nous énonçons nos âges respectifs… et, alors que le couple de seniors devant nous avait eu droit au plan de visite et à l’audioguide, proposés avec un sourire, nous devons nous contenter de… nos billets! Nous sommes trop estomaqués pour réagir sur le coup, et nous nous efforçons de nous persuader qu’un aussi mauvais accueil n’augurera pas du reste de la visite…

Le musée de Pont-Aven est un joli écrin de verre, de métal et de bois, une structure aérée qui ouvre sur un jardin dont nous apprendrons plus tard qu’il a été composé d’après une œuvre de Charles Filiger (« Paysage rocheux, le Pouldu »). Au premier étage, la salle Julia (ancienne salle à manger de l’Hôtel Julia dans lequel est aménagée l’extension du musée) s’enrichit de trois lustres designés par Matali Crasset. La réfection et l’agrandissement (de 2012 à 2016, le musée a ainsi doublé sa superficie) semblent avoir été placés sous le signe de l’efficacité et de la modernité discrète ; les volumes sont agréables, et la luminosité parfaite.

Nous découvrons d’abord l’exposition temporaire consacrée aux Rouart, une famille d’industriels passionnés d’art, et dont trois membres en particulier, Henri (le père), Ernest (le fils) et Augustin (le petit-fils), se sont essayés à la peinture. Honnêtement, nous n’avons pas été fascinés par l’histoire, brièvement esquissée, de la dynastie Rouart. Seules quelques toiles ont retenu notre attention, les « Baigneurs sur la plage » d’Ernest notamment ; pour le reste, beaucoup de maladresses (en particulier chez le patriarche, Henri) et des coloris assez pompiers… l’argent et le carnet d’adresses ne font pas la légitimité!

Nous montons d’un étage, à la découverte des collections permanentes. Le battage médiatique qui a suivi la réouverture (le 26 mars) faisait la part belle à Gauguin ; si je me doutais que nous ne découvririons pas, à Pont-Aven, de tableaux de la période polynésienne ou des chefs d’œuvres comme « La Vision du Sermon », j’espérais quand même de belles surprises. Malheureusement, la collection est finalement assez réduite : quelques belles gravures (Cuno Amiet, Carl Moser) qui établissent un parallèle avec les estampes japonaises Ukiyo-e, des Maurice Denis et des Émile Bernard (magnifique « Madeleine au Bois d’Amour »), d’autres suiveurs de l’école de Pont-Aven, parmi lesquels Emile Jourdan, quelques Nabis, une salle « Gauguin » dans laquelle on peut admirer quelques gravures sur zinc, un joli pastel de Bretonnes et deux tableaux prêtés par le musée d’Orsay, et puis… c’est tout! Déjà?!

On mentionnera quand même le diaporama de cartes postales anciennes animées (la bonne idée du début de parcours), le pôle didactique autour de la gravure (trop statique, dommage), et la très bonne vidéo explicative qui permet de mieux comprendre la naissance de l’école de Pont-Aven autour de la personnalité de Gauguin, et les emprunts des uns aux autres (Gauguin se serait en fait inspiré du cadrage révolutionnaire des « Bretonnes dans la Prairie Verte », d’Émile Bernard, pour créer sa « Vision du Sermon »), les différentes influences, notamment celle de l’art asiatique avec les estampes japonaises, et les courants qui naîtront de ces recherches picturales, du synthétisme aux Nabis.

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Nous repartons un peu sur notre faim et surtout extrêmement déçus par l’accueil qui nous a été réservé (ou « pas » réservé, d’ailleurs). Autre exemple d’une attitude anormale de la part de l’équipe : dans l’une des salles, alors que nous nous interrogions sur le rectangle plus clair au centre d’un tableau d’Émile Jourdan (« Pont-Aven, la chapelle de Trémalo »), une médiatrice, debout dans un coin, nous regardait nous questionner sans mot dire. A peine nous étions-nous éloignés qu’elle s’est précipitée sur le couple âgé qui nous suivait, pour leur expliquer le pourquoi du comment de ce fameux rectangle blanc, le tout en chuchotant au cas où nos oreilles indiscrètes auraient pu capter une partie de ses explications. J’ai dû retourner vers elle pour lui demander de bien vouloir nous communiquer les précieuses informations… Inutile de préciser qu’à la boutique (comptoir unique avec l’accueil), et malgré nos achats, nous n’avons pas eu droit au moindre sourire.

Nous garderons donc un souvenir très mitigé de cet établissement dans lequel nous avons eu la nette impression de ne pas être bienvenus ; était-ce dû à notre âge? à nos chaussures de randonnée? Je suis en tout cas certaine d’une chose : aucun visiteur ne devrait avoir à se remettre en question au sortir d’un musée, quel que soit le contexte.

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Vue d’artiste de ma tête désappointée et fâchée (doux euphémismes!) à la fin de la visite.

Au LAM, la beauté brute.

Le Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Lille métropole…je rêvais depuis longtemps d’y planifier une visite, sans avoir eu jusqu’à présent l’opportunité de la concrétiser. L’exposition « Modigliani, L’œil Intérieur » qui y est programmée jusqu’au 5 juin m’a fourni l’occasion idéale pour pousser les portes de cette merveilleuse institution culturelle…

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Le LAM est le fruit de l’importante donation d’un couple de collectionneurs, Jean et Geneviève Masurel, qui souhaitaient léguer leurs quelques deux cents œuvres d’art moderne à un musée du nord de la France…sous réserve que celui-ci se dote d’un parc de sculptures et d’un service pédagogique. Le choix se porte sur Villeneuve d’Ascq où l’on décide de construire une structure nouvelle dédiée à l’art moderne et contemporain, un vrai pôle culturel dont la vocation est bien évidemment de dynamiser l’aire urbaine autour de Lille. Inauguré en 1983, le bâtiment de briques aux toits en sheds échelonnés, signé Roland Simounet, se fond remarquablement dans la verdure qui l’environne. On y pénètre par un patio qui facilite la transition entre l’espace du dehors et celui, très épuré et rigoureusement articulé, du dedans : l’horizontalité règne en maîtresse sur la structure, qui, en 2009, se dote sur le flanc est d’une extension spécialement conçue par l’architecte Manuelle Gautrand. Cette addition bétonnée percée de moucharabiehs accueille aujourd’hui l’une des plus belles collections d’art brut de France, quatre mille pièces collectées par l’association L’Aracine.

A rebours de mon propre parcours de visite, puisque j’ai débuté ma visite par l’exposition Modigliani, intéressons-nous d’abord aux collections d’une grande richesse qu’abrite le LAM. La donation Masurel, à l’origine de la création, fait la part belle aux cubistes, avec des Braque, des Picasso ou des Juan Gris tout à fait caractéristiques des prémices du mouvement ; des Miro, des Dubuffet ou des Léger (magnifique « Femme au bouquet ») se côtoient sans se gêner. Peu sensible à l’art moderne, le Rat a néanmoins passé un beau moment contemplatif dans les espaces conçus comme autant de « machines à voir » par l’architecte. L’interpénétration intérieur/extérieur, matérialisée par la grande baie vitrée de la salle du fond, se ressent aussi dans les volumes qui se dilatent ou s’étrécissent à mesure que l’on y déambule.

La plupart des salles d’exposition réservées à l’art contemporain étaient fermées le jour de ma venue, et c’est un gros regret de ne pas avoir ne serait-ce qu’entrevu l’installation de Buren ou la grosse carte de France en peluches d’Annette Messager. J’ai en revanche pu savourer la perfection de l’outre-noir devant une œuvre de Soulages, sourire devant les lièvres boxeurs de Barry Flanagan, et chercher la meilleure perspective pour appréhender dans son ensemble l’arc-en-ciel des « Perfect Vehicles » d’Allan Mc Collum.

Indubitablement, c’est la section consacrée à l’art brut qui m’a retenu le plus longtemps. Je ne me dépars pas de ma fascination pour « l’art des fous », comme on l’appelait il y a encore peu de temps, et l’émotion que j’éprouve devant les créations d’une Aloïse Corbaz ou d’un Théo Wiesen est toujours aussi forte. J’admire surtout le fait que ces « illettrés de l’art », autodidactes et inconnus pour la plupart, soient parvenus à exprimer leur besoin de créer, au-delà des barrières normatives. Surmontant les obstacles matériels (pénurie ou mauvaise qualité des matériaux, interdictions…), et en dépit des contingences qui les avaient parfois placés derrière les barreaux d’une prison ou d’un asile d’aliénés, ces obscurs génies ont fait, envers et contre tout, acte d’existence. Entre minutie presque maniaque, prophéties illuminées, délires de persécution ou sculptures à peine ébauchées, taillées dans le vif comme pour exorciser on ne sait quels démons, le panorama proposé (rassemblé entre 1945 et 1996, d’abord par Jean Dubuffet puis par l’association l’Aracine) est impressionnant de diversité et de beauté…brute.

 

Au fil de ma balade au gré des courants de l’histoire de l’art, officielle ou non, j’ai énormément apprécié la découverte de cet établissement, que je n’imaginais pas si riche.

Et l’exposition Modigliani, but premier de ma visite, qu’en ai-je donc pensé? Je connaissais bien sûr l’artiste, pour avoir côtoyé, au cours de mes études d’histoire de l’art, ses belles odalisques aux cous démesurés et aux grands yeux rêveurs en amande…mais l’exposition m’a dévoilé de nombreuses facettes supplémentaires, notamment le travail de sculpteur de l’artiste, qui, fraîchement débarqué d’Italie, s’installe au cœur de Montmartre pour y travailler la pierre et le bois aux côtés de Constantin Brancusi.SAMSUNG CAMERA PICTURES Des problèmes pulmonaires, combinés à des réalisations qu’il juge inabouties et qui ne le satisfont pas, le poussent à se tourner vers la peinture. Ses différentes sources d’inspiration, des Cyclades à l’Égypte en passant par le Cambodge ou l’Afrique noire, sont mises en relation, au cœur de l’exposition, avec les réalisations qu’elles ont influencé. Les comparaisons établies sont fascinantes! Le parcours s’oriente surtout en fonction des personnalités côtoyées par Modigliani, qu’il s’agisse des autres artistes, des commanditaires ou des marchands d’art dont il a pu faire le portrait. La création de ce style reconnaissable entre tous, mélange d’individualisation et d’idéalisation de son sujet, est évoquée au fur et à mesure que la personnalité de l’artiste se construit, forte de sa différence. La mort prématurée du peintre, suivi dans la tombe par sa jeune compagne enceinte, qui se défenestre le lendemain de son décès, met un point final aux recherches artistiques de ce précurseur. En peu d’années, et grâce à un rythme de production soutenu, il sera parvenu à imposer sa vision d’une peinture comme un miroir de l’âme, à la fois de l’artiste et du sujet, dont il représentait d’ailleurs souvent les yeux sans pupille, tournés vers leur secret intérieur…

 

J’espère que cet article vous aura donné envie de découvrir le LAM et les trésors qui s’y cachent! En bonus, quelques photos du parc de sculptures, où l’on peut notamment admirer « La Croix du Sud » de Calder…

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Bienvenue en Utopie : le Familistère de Guise.

Très proche de mon lieu de résidence, le Familistère de Guise est une visite incontournable à faire dans l’Aisne. C’est toujours avec plaisir que j’en redécouvre les différents bâtiments et que je le recommande à qui veut bien me prêter l’oreille ; bien que je m’y sois déjà rendue trois fois, je n’avais jamais encore rédigé d’article pour le présenter…corrigeons cela sans plus attendre!

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Pour comprendre le contexte d’édification de cette utopie architecturale qu’est le Familistère, il faut d’abord présenter son fondateur, Jean-Baptiste André Godin (1817-1888). Fils de simples ouvriers, cet autodidacte nourri de lectures socialistes mise sur son ingéniosité et son talent. Il se retrouve ainsi rapidement à la tête d’une entreprise florissante de poêles en fonte, installée à Guise, au nord de l’Aisne. Parallèlement au développement de son usine, Godin décide de mettre en pratique les idées fouriéristes et saint-simoniennes qu’il a assimilées en les adaptant à ses propres convictions. Son terrain de jeu? Le Familistère, un incroyable ensemble architectural constituant une cité de 2000 habitants, un « Palais Social » où ses ouvriers trouveront tout ce dont ils pourraient avoir besoin ou envie. Godin en dessine lui-même les plans : partant du principe simple qu’un travailleur efficace est un homme aux conditions de vie saines, et que labeur et vie personnelle sont étroitement liés, il souhaite proposer à ses ouvriers un cadre non seulement salubre mais aussi et surtout épanouissant. En bon phalanstérien, il entend également développer les valeurs liées à la famille et au sentiment religieux.

SAMSUNG CAMERA PICTURESLe Familistère est édifié entre 1859 et 1884, mais connaîtra par la suite de nombreux remaniements. « Au Familistère, 1500 personnes peuvent se voir, se visiter, vaquer à leurs occupations domestiques, se réunir dans les lieux publics, et faire leurs approvisionnements sous galerie couverte sans se préoccuper du temps qu’il fait et sans jamais avoir plus de 160 mètres à parcourir », écrit Godin. Hygiène et confort priment pour la construction des bâtiments en brique rouge, dont certains sont dévolus à l’habitation et d’autres aux infrastructures utilitaires (les économats, les magasins, la nourricerie pour les enfants de quelques semaines à 2 ans, le pouponnat pour les 2-4 ans, etc.) et de loisirs (les jardins d’agrément, le théâtre, la piscine, ou le kiosque à musique, qu’utilisent régulièrement les différentes associations culturelles ouvrières.).

La visite du Familistère commence généralement par les trois bâtiments principaux, rassemblés autour d’une vaste cour abritée d’une verrière absolument incroyable, surtout lorsque le soleil illumine les panneaux qui la composent. Mosaïque au sol, acier et verre pour les étages… au centre de la structure, le visiteur prend avec émerveillement la mesure du projet de Godin.

Quelques bandes sonores habilement diffusées participent à la recréation de l’ambiance qui devait régner au quotidien dans ces pavillons où se côtoyaient patrons et travailleurs (l’appartement de Godin est quand même très grand, et un peu à part…le circuit de visite permet de s’en rendre compte!). Le matin, les enfants se rassemblaient dans la cour avant de partir à l’école en chantant, là encore dans un esprit très phalanstérien. Le mauvais sujet qui se tenait mal, ou l’enfant négligé, mal débarbouillé, se repéraient vite dans la troupe. La disposition des logements contribuait en effet à la surveillance de chacun par ses voisins, dans un esprit de communauté et d’autodiscipline…un peu sectaire quand même, surtout quand on sait que les « nouveaux arrivants », notamment les épouses rencontrées à l’extérieur, devaient littéralement montrer « patte blanche » au cours d’un examen d’hygiène et de propreté.

La scénographie, très bien conçue, permet au visiteur de déambuler dans la plupart des espaces (deux des pavillons sont à l’heure actuelle fermés au public), d’en apprendre plus sur la construction du Familistère et le développement de l’usine Godin, mais également de découvrir la vie quotidienne des ouvriers à travers de petites expositions thématiques réparties dans les logements.

A titre personnel, j’aime beaucoup la reconstitution du deux-pièces loué par un couple au début du XXème siècle ; des adhésifs découpés évoquent habilement le mobilier typiquement présent dans ce type de logement, tandis que la parole est donnée au couple via les citations apposées sur les murs, qui émaillent le parcours de façon ludique. Autre coup de cœur, la buanderie-piscine avec son petit bassin dont le plancher pouvait être remonté pour permettre aux femmes et aux enfants d’apprendre à nager dans les meilleures conditions. L’exposition sur l’hygiène est très pertinente et l’éclairage à la fois naturel (zénithal) et artificiel (très beau jeu de contrastes) magnifie le bâtiment.

Le théâtre se visite également, avec une petite projection toutes les heures environ ; les bâtiments des écoles, qui l’environnent, ne sont quant à eux pas accessibles au public, car ils remplissent toujours leur fonction d’origine et accueillent une centaine d’enfants à l’année. Le mélange entre le musée et le lieu d’habitation toujours exploité fonctionne d’ailleurs très bien : on a l’impression que l’esprit communautaire n’a pas vraiment disparu, même si la gestion associative mise en place à la mort de Godin n’a pas survécu au mouvement de mai 1968. Je vous recommande la visite guidée qui vous permettra de bénéficier d’un éclairage intéressant, notamment sur l’exposition des Économats, qui présente les idées de Godin et ses inspirations d’une manière un peu technique pour le profane (j’en parle en connaissance de cause!). Si vous manquez de temps, concentrez-vous sur le bâtiment principal et la buanderie-piscine. En revanche, si vous avez bien géré votre visite (comptez deux bonnes heures pour faire le tour des espaces), et si la météo s’y prête, n’hésitez pas à faire un petit tour dans les jardins d’agrément, très bien entretenus. Enfin, sachez que de nombreux événements culturels y sont programmés à l’année, souvent au Théâtre ; le 1er mai au Familistère est un incontournable!

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Je suis fan de la signalétique!

Manger au musée?

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Hannah Rothstein, Série « Thanksgiving Special »

La fin de l’hiver signifiant pour moi le retour en force des visiteurs (et des projets) dans le musée que je dirige, j’ai donc un peu déserté les autres institutions culturelles pour me focaliser sur le bon fonctionnement de la mienne! Comme je n’oublie pas le blog pour autant, entre deux révisions de concours, j’ai pensé vous proposer aujourd’hui un article quelque peu atypique, sur le thème de la nourriture au musée. L’idée m’est venue au cours d’un goûter d’anniversaire, que nous organisons au moins une fois par semaine dans ma petite structure : alors que je découpais le gâteau, l’un des petits m’a demandé s’ils avaient le droit de manger, « parce que normalement, dans un musée, c’est interdit! »

Le débat était lancé, et même si avec des bouts de chou de six ans, il ne pouvait pas aller très loin, j’en ai profité pour refaire un peu le tour de la question. Quelle est la place de la nourriture au musée? Cantonnée aux cafés-restaurants et à la boutique ou, plus audacieuse, s’imposant en salle d’exposition?

Dans presque tous les musées se trouve un point ravitaillement, un petit café, ou à défaut un espace dans lequel il est permis de consommer de la nourriture ; s’il est souvent vedette en boutique ou au restaurant du musée, le comestible se fait en revanche beaucoup plus discret dans les espaces d’exposition. Certains établissement surfent allègrement sur la vague du marketing en proposant des desserts appétissants aux couleurs des tableaux célèbres, de la soupe à la tomate de Warhol au chocolat chaud « à la Jeff Koons », servi dans une tasse d’un kitsch absolu. Quant aux produits dérivés des boutiques, inutile de s’étendre sur le fabuleux éventail de propositions, du thé aux pâtes alimentaires en passant par les bonbons gélifiés (les enseignes installées au cœur du château de Versailles en sont un très bon exemple).

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Le « Mondrian Cake » par Caitlin Freeman : un dessert spécialement conçu pour la cafétéria du San Francisco Museum of Modern Art.

En salle d’exposition, en revanche, nourriture et boisson ne sont plus les bienvenus, en témoignent souvent les affichages sévères à l’entrée. Les raisons d’une telle politique sont évidentes : l’entretien du musée, tout d’abord, qui n’est déjà pas une mince affaire quelle qu’en soit la superficie, mais aussi et surtout la conservation des œuvres. Un joli petit bronze de Degas ou un nu de marbre risquent fort de pâtir d’un contact un peu fortuit avec un esquimau au chocolat ou des doigts tout poisseux de caramel…et ne parlons même pas des boissons, qu’un mouvement un peu maladroit suffit à faire gicler partout. Formés à anticiper ces menaces, les conservateurs de musées « traditionnels », qui considèrent la nourriture comme un ennemi des œuvres, sont pourtant de plus en plus nombreux à l’heure actuelle à prêter l’oreille au chant des sirènes des nouvelles médiations. Manger au musée, quelle drôle d’idée… et pourtant, cette approche ludique et interactive, qui titille les sens, est en passe de révolutionner notre façon d’aborder l’art.

Toucher une œuvre, c’est en quelque sorte en prendre possession : pour quelques secondes, le visiteur devenu acteur acquiert la possibilité d’interagir avec ce qu’il se contente d’habitude de regarder. A fortiori, goûter un élément, c’est l’assimiler physiquement, dans tous les sens du terme : une véritable inversion des rôles! Dans la démarche de sollicitation des sens, d’abord développée à destination des publics en situation de handicap, puis largement popularisée au musée, le goût assume son rôle de sens « social » ; alors que la vue et l’ouïe s’expérimentent en solitaire, la nourriture se partage bien souvent, autour d’une table et en groupe.

En outre, et suivant le fameux « Je suis ce que je mange », la nourriture est un marqueur culturel extrêmement important, qui définit notre appartenance à une communauté, à une religion, voire même à une classe sociale. Ce qui répugne à un Occidental sera ainsi savouré comme un mets de choix par un Asiatique, de même qu’un plat défini comme tabou par une religion sera apprécié au quotidien par les membres d’une autre communauté. Le musée, en tant qu’institution culturelle, se doit de détailler et d’expliciter ces différentes pratiques afin d’en permettre la compréhension, voire l’appropriation, par les visiteurs.

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J’avais l’embarras du choix pour illustrer mon propos… et j’ai choisi l’option soft.

Comme souvent (comme toujours?), ce sont les musées américains et anglo-saxons qui ont ouvert la voie aux innovations, en utilisant la nourriture comme un élément muséographique tout aussi parlant, voire plus, qu’une maquette ou qu’une projection vidéo. Au National Museum of the American Indian, à Washington, le visiteur a ainsi la possibilité de goûter aux plats traditionnels de la cuisine indienne, comme les tamales (galettes à la farine de maïs) préparées devant lui. D’autres institutions culturelles assument également leur rôle éducatif en organisant des ateliers apprenant à mieux consommer : l’American Natural History Museum de New York propose ainsi des stages de cuisine et de dégustation aux plus jeunes.

BFM_Logo_NoWarningEnfin, certains musées sont quant à eux entièrement dédiés à la nourriture, du classique « Alimentarium » de Vevey, en Suisse (premier musée « alimentaire » du monde, ouvert en 1985), au plus délirant « Museum of Burnt Foods » situé à Arlington dans le Massachusetts, en passant par le MOFAD (Museum of Food and Drink) de Brooklyn, qui prend son rôle éducatif très au sérieux. Au « ChocoStory », le musée du chocolat de Bruges, le visiteur assiste à la fabrication de pralines qu’il peut ensuite goûter, avant de se soumettre à un test déterminant son chocolat préféré. Le musée de la Glace, à Bologne, le Musée des Ramen à Tokyo ou encore le musée du Pain à Breia au Portugal, où le visiteur est invité à fabriquer sa propre baguette, fonctionnent sur le même modèle.

Enfin, je ne pouvais conclure ce très bref panorama sans aborder quelques œuvres entièrement comestibles, qui accèdent sans conteste, protégées par leur statut artistique, aux salles des plus grands musées du monde. Des paysages de Carl Warner aux installations mises en scène et photographiées par Sarah Anne Ward, en passant par les tableaux en toasts de Maurice Bennett ou les « repas de bonbons » de Jesse Gabe…les artistes n’ont pas fini de jouer avec la nourriture! Bon appétit!

 

Et vous, pensez-vous que la nourriture ait sa place au musée? Et quelles œuvres aimeriez-vous y déguster?

 

Museum-Trip à Amsterdam : suite et fin!

Notre deuxième journée à Amsterdam était dédiée aux deux grands musées de la ville, le Van Gogh Museum et le Rijksmuseum.

Nous avons commencé par la visite de l’exposition temporaire « Van Gogh/Munch », le but principal de notre excursion amstellodamoise… qui se terminait le jour même!

Le parallèle entre les deux artistes peut ne pas sembler évident au premier abord, mais ils partagent une origine géographique (le Nord de l’Europe, Munch étant norvégien et Van Gogh hollandais), une époque (ils n’ont que dix ans d’écart, même si Munch a vécu beaucoup plus longtemps) et surtout une conception de la peinture qui leur valut à maintes reprises les moqueries et l’incompréhension de leurs contemporains. Sans cesse en quête d’innovations, les deux maîtres ont, chacun à leur manière, flirté avec la folie ; de leur chaos intérieur, ils ont tiré des chefs d’œuvre qui frappent par leur charge émotionnelle, par leurs couleurs pures, et par le mouvement qui s’en dégage. L’exposition « Van Gogh/Munch » a d’abord été présentée au Munchmuseet à Oslo ; divisée en trois parties correspondant à trois des étages du musée, elle adopte une progression chronologique en miroir, associant les rencontres et les influences successives des deux peintres, et présente quelques-unes des œuvres les plus connues de Van Gogh et Munch : Le Cri, La Nuit Étoilée, Madonna ou encore Les Tournesols. Face au Cri, c’est une petite déception : les couleurs sont plus ternes que dans les multiples reproductions que j’ai eu l’occasion de voir (à cause du support en carton?), et le format est plus petit que ce à quoi je m’attendais. En revanche, j’ai bien passé dix minutes à contempler La Nuit Étoilée… quelle merveille!

Après l’exposition, nous avons déambulé dans le musée Van Gogh ; l’exposition permanente s’y déroule sur quatre étages, qui correspondent à différentes phases du travail du peintre. J’ai beaucoup apprécié le second, qui met l’accent sur les secrets des tableaux : des microscopes permettent ainsi de visualiser l’épaisseur des couches de peinture successives ou encore d’identifier de petits grains de sable figés dans la couche picturale, au cœur d’une œuvre peinte au bord de la mer un jour de grand vent.

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En termes de médiation, je n’ai pas aperçu grand-chose. Le musée interdit la photo (même dans les espaces de circulation), mais a mis en place un « selfie-spot » sous un grand portrait de Van Gogh imprimé sur le mur… un procédé toujours un peu discutable. J’ai également repéré des malles pédagogiques utilisables par les familles sur le site : sous forme de valises anciennes, couvertes d’étiquettes, elles renferment quelques petits objets et des livrets de jeux.

À peine sortis du Van Gogh Museum, nous traversons la Museumplein (la place des Musées, très animée, et parsemée de petits stands, notamment de nourriture…miam!) qui le sépare du Rijksmuseum, l’autre étape artistique de notre journée.

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La taille du bâtiment (réalisé par Pieter Cuypers en 1863) est impressionnante ; comme au Louvre ou au Prado, il faut donc faire des choix! Nous sélectionnons les étages qui nous inspirent le plus, et décidons de faire l’impasse sur le pavillon asiatique, et l’art du Moyen-Age, pour nous concentrer sur le siècle d’or hollandais. Bien sûr, certaines œuvres sont incontournables : La Ronde de Nuit et La Fiancée Juive de Rembrandt, par exemple, ou La Laitière de Vermeer, incroyable de finesse et de précision.

Nous avons aussi admiré, au rez-de-chaussée, les collections héritées des colonies néerlandaises, puis, dans les étages, les meubles rococo, les maisons de poupée, et bien sûr la bibliothèque.

Pour ces deux musées et l’exposition temporaire Munch/Van Gogh, nous avions prudemment réservé nos billets sur Internet, et je ne peux que conseiller cette option au vu de la foule qui se pressait devant ces deux bâtiments incontournables. En termes de prix, les tarifs sont très élevés, et il n’y a pas de réduction pour les jeunes adultes que nous sommes (de mémoire, il n’y a de demi-tarif que pour les moins de 18 ans). Cela peut sembler prosaïque d’évoquer le coût des visites, mais, en tant que Rat de Musée, je reste convaincu que les institutions culturelles doivent s’adapter aux visiteurs sur ce plan ; à Amsterdam, c’est loin d’être le cas. Nous avons déboursé pas moins de 111 euros pour accéder à quatre musées, dans lesquels, il est vrai, nous avons pu admirer des œuvres remarquables.

Je n’ai pas mentionné nos autres visites : Béguinage, Marché aux Fleurs, Quartier Rouge… de peur de surcharger cet article déjà très long, mais n’hésitez pas à me poser des questions en commentaire. J’ai adoré ce week-end d’évasion et de découvertes, et j’espère vous avoir donné envie de visiter Amsterdam, et surtout ses musées! 😉

Museum-trip à Amsterdam – 1ère partie!

Tout juste de retour d’un très beau week-end dans la capitale des Pays-Bas, j’ai choisi de vous raconter mes découvertes muséales jour par jour… soit deux parties très intenses, et un troisième article un peu à part, que vous découvrirez dans les jours à venir.

 

En deux jours et demi (nous sommes arrivés le samedi en début d’après-midi, et sommes repartis à 15h le lundi), nous avons eu le temps de visiter pas moins de trois musées et deux expositions temporaires, tout en découvrant à notre rythme la ville, ses canaux, ses marchés et ses quartiers les plus typiques. Nous avions planifié cette escapade pour coïncider avec notre anniversaire de rencontre (trois ans déjà que le Rat-Prof m’accompagne dans mes divagations culturelles…et dans tant d’autres choses! ^^) mais également pour découvrir l’exposition Van Gogh-Munch, qui s’est d’ailleurs terminée dimanche.

Le samedi, à peine débarqués du Thalys et les bagages déposés à l’hôtel, nous avons commencé notre découverte de la vie culturelle d’Amsterdam avec une visite au Musée des Tropiques, le Tropenmuseum.

De l’avis même des Amstellodamois, ce musée n’attire pas beaucoup les touristes de passage, qui privilégient le très célèbre Rijksmuseum et le musée Van Gogh, qui ont de plus l’avantage de la proximité puisqu’ils sont situés de part et d’autre de la même place, la Museumplein. Nous avons pourtant beaucoup apprécié ce site de l’ancien Institut Colonial, dont les riches collections sont parfaitement mises en valeur, dans des présentations très vivantes et ponctuées d’espaces de médiation extrêmement pertinents. A l’origine, les objets provenaient des différentes colonies néerlandaises (que je n’imaginais pas si nombreuses) ; la présentation actuelle met en valeur non seulement l’esthétique, mais aussi et surtout les valeurs ethnologiques, cultuelles et culturelles des artefacts. On retrouve cet esprit de dialogue, d’ouverture et de tolérance dans le programme des expositions temporaires : en ce moment, les Sixties, le Maroc, et le thème pas si évident de l’homosexualité et de la transsexualité en Chine.

Dans l’espace d’exposition permanente, j’ai particulièrement aimé la façon dont la scénographie alternait dioramas (recréations en 3D d’espaces précis, souvent peuplées de mannequins), la photographie et les pièces historiques. De nombreuses reconstitutions, notamment dans la section Moyen-Orient, animent l’espace et permettent aux visiteurs de déambuler dans un souk, de s’attarder devant la devanture d’un fabricant de babouches, ou encore de s’attabler dans un café égyptien. Les nouvelles technologies sont mises à contribution : casques audio, écrans tactiles ou encore dispositifs réagissant à la présence, permettent un dialogue constant avec les objets.

Le Tropenmuseum est un endroit très vivant, qui se nourrit des échanges avec ses visiteurs et leur donne, à de nombreuses reprises au cours de la visite, l’occasion de participer et de témoigner de leur propre vision des choses.

Après cette parenthèse très enrichissante, nous avons filé à l’autre bout de la ville pour découvrir la Maison d’Anne Frank. Changement total d’ambiance avec la visite de l’Annexe, la cachette des familles Frank et Van Pels et de Fritz Pfeffer, durant la Seconde Guerre Mondiale. Durant deux ans, les huit clandestins, dissimulés dans des locaux étroits et sombres, seront approvisionnés par des employés d’Otto Frank, au cœur même de son entreprise confisquée par les Nazis. Ils seront arrêtés puis déportés en 1944 ; sept d’entre eux périront dans les camps de la mort. Seul survivant, Otto, revenu à Amsterdam, découvre le journal d’Anne et décide de le publier, pour rendre un dernier hommage à sa plus jeune fille, qui rêvait d’être écrivain.

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Sur place, nous avons été un peu surpris, pour ne pas dire déçus, par un certain nombre de détails : d’abord le côté très commercial (et le flot de visiteurs qui s’ensuit), avec une certaine surenchère autour du « mythe » Anne Frank, puis l’aspect dépouillé des pièces à visiter, qui ont été entièrement vidées de leurs meubles à la demande d’Otto Frank. DSC03221On avance en fait en file indienne dans des chambres nues, aux fenêtres voilées de noir, finalement moins des espaces de mémoire que des couloirs de circulation privés de leur signification d’origine, et dans lesquels l’arrêt ne doit pas être trop prolongé, sous peine de gêner les autres touristes qui se suivent de près. Pas beaucoup d’explications, non plus, dans les parties plus spécifiquement « musée » : quelques vidéos très courtes, un contexte historique un peu trop brièvement résumé, des extraits du Journal aux murs et sur les rideaux, quelques pages d’origine présentées dans une salle à part…et c’est tout. Le livret de visite apporte quelques compléments, notamment sur les relations entre les différents clandestins. Le Rat-Prof et moi nous attendions à plus d’émotion, plus de communion et d’empathie…mais le parcours rapide dans les pièces nues ne nous aura pas laissé de souvenir impérissable.

 

A très bientôt pour la suite de nos aventures amstellodamoises!

 

Le Musée d’Histoire de Saint-Malo

LA grosse déception de mes vacances bretonnes, assurément.

Dans ma courte vie de Rat de Musée, j’ai eu l’occasion d’écumer un certain nombre de lieux culturels, en France ou à l’étranger. J’ai vu des musées extraordinaires, fun, ludiques, didactiques, bizarres, terrifiants ou… carrément assommants. Celui-ci, malheureusement, appartient à la dernière catégorie.

 La critique n’est pas mon fort ; je pars toujours du principe que certains éléments de contexte m’échappent nécessairement, et que je n’ai pas à condamner sans connaître.

Le musée d’Histoire est en pleine réfection, et ceci explique peut-être cela ; il y a cependant de gros faux-pas, non seulement en termes de muséographie mais aussi et surtout en termes de médiation.

Le Musée d’Histoire de Saint-Malo est situé dans un très beau monument historique, le château de la Duchesse Anne, flanqué des deux tours visitables : la Tour Générale et le Grand Donjon. Le reste des collections du musée est présenté à Saint-Servan, une petite ville à proximité, dans la Tour Solidor ; malheureusement, j’ai manqué de temps pour visiter cette dernière.

Dans le décor unique du château de Saint-Malo, les objets sont entassés comme au hasard, sans aucune cohérence dans la présentation. Des panneaux et des vitrines, à moitié dissimulés dans les salles derrière des coffrages de bois, prennent la poussière en attendant une éventuelle relocalisation.

Les collections sont forcément axées sur la vie maritime : objets de navigation, marines, maquettes, se côtoient. Certaines pièces sont très intéressantes, comme les pistolets de Robert Surcouf, les nécessaires à rapiécer les voiles conservés dans des cornes de boeuf, ou encore les fers utilisés pour la traite des esclaves noirs.

Dans le Donjon, ce sont des objets de la vie courante du 18ème et 19ème siècle qui sont présentés ; j’ai repéré de très beaux coffres cloutés, et un étonnant lit clos de la fin du 18ème.

J’ai aussi eu la surprise de tomber sur un magnifique Paul Signac exposé au beau milieu d’un alignement de peintures sans aucun intérêt.

L’œil du Rat :

Une muséographie inexistante, avec des cartels soit très lacunaires, soit inutilement bavards. Et quels cartels! Il faut clairement être initié pour comprendre une phrase telle que : « Noter, sous le mât de beaupré : une civadière. »

Je passe sur les fautes d’orthographe, les coquilles diverses, et l’utilisation de pas moins de cinq polices différentes pour des textes de même type. Bien sûr, ce musée souffre comme tant d’autres d’un problème de financement, mais le manque de subsides ne justifie pas tout!

Inutile de préciser qu’il n’y a aucune médiation, que ce soit pour enfants ou pour adultes : ni parcours thématiques, ni aides à la visite, que ce soit sous forme de livrets, de fiches explicatives ou d’autres supports.

Le + du Rat :

Les visiteurs ont la possibilité de monter tout en haut du Donjon, pour admirer la vue imprenable sur la ville. Le panorama ne suffit pas à rattraper la visite décevante, mais c’est mieux que rien!

La Demeure de Corsaire à Saint-Malo : à l’abordage!

Les vacances du rat en Bretagne, c’est…un peu de soleil, pas mal de bonne nourriture (hé oui, les rats, ça aime grignoter, je ne vous apprends rien!) et surtout beaucoup de belles visites et de découvertes en tout genre!

A Saint-Malo, le Rat s’est donc rendu à la Demeure de Corsaire, sise au coeur de l’hôtel Magon, la demeure particulière de François-Auguste Magon de la Lande, armateur et corsaire français du 18ème siècle. Au coeur des remparts, cette immense maison de 59 pièces est encore habitée. C’est d’ailleurs le fils des propriétaires, Pierrick, qui a guidé la visite, avec beaucoup d’aisance et de professionnalisme.

Le principal intérêt de cette visite résidait d’ailleurs, à mon sens, dans les commentaires du guide, les pièces traversées servant plus à illustrer ses propos. Maquettes de bateaux et nombreuses marines décorent les salons d’apparat de l’armateur ; les affaires plus sérieuses se concluaient à l’étage, dans un bureau très dépouillé, auquel on accédait par un escalier dérobé.

Au cours de la visite, on découvre la différence fondamentale entre le pirate et le corsaire, les règles de l’abordage (s’emparer du pavillon ennemi pour mettre fin aux combats), les différentes routes commerciales, les produits exotiques ramenés des différentes escales (châles d’indienne, cabosses de cacao ou porcelaine chinoise) et surtout les astuces des corsaires pour tromper les autorités!

L’œil du Rat :

Quatre enfants entre 4 et 10 ans ont suivi la visite (une petite trentaine de personnes quand même), et malgré les parenthèses du guide, qui s’adressait de temps en temps à eux pour vérifier qu’ils comprenaient les notions essentielles, cette visite est clairement destinée à un public d’adultes.

Il existe peut-être des prestations particulières pour les plus jeunes, mais elles ne sont pas mentionnées à l’accueil : pas trace d’une quelconque médiation, que ce soit sur support papier ou numérique, ce qui est un peu regrettable.

L’exploitation du lieu est clairement familiale et très orientée sur les réceptions et les séminaires ; la visée didactique cède forcément un peu le pas à une logique plus commerciale.

 

Le + du Rat :

Les caves sont clairement le point fort de la visite! On y découvre les portes en bois percées d’ouvertures rondes permettant aux bandes de chats errants de pénétrer dans les caves à toute heure pour se gaver de…rats! 😦

Le guide nous a également dépeint les rondes des dogues sur la plage dès la nuit tombée, les portes de la ville s’étant refermées dès le couvre-feu sonné. Ces douze molosses gardaient les bateaux et s’assuraient qu’aucun vol n’était commis.

Le plus intéressant, c’est sans doute ce réseau de passages souterrains desservant toutes les caves de corsaires du quartier : pratique pour faire rouler chez son voisin, ni vu ni connu, les tonneaux qu’on avait fait rentrer en douce!

La Piscine : immersion réussie!

Pour ce premier post, j’ai choisi de vous parler d’un très beau musée que j’ai découvert il y a quelques temps : il s’agit de la Piscine, à Roubaix (59100).

Cette ville du Nord-Pas-de-Calais célèbre pour son patrimoine textile, où furent par exemple fondés La Redoute ou Les Trois Suisses, est surtout très marquée par son histoire industrielle, qui se ressent encore dans son tissu urbain.

Classée Ville d’Art et d’Histoire depuis 2001, Roubaix s’efforce de valoriser son patrimoine notamment dans ces deux principaux musées : la Manufacture des Flandres (dans mon programme de visite pour novembre) et la Piscine, sous-titrée Musée d’Art et d’Industrie André Diligent.

C’est une structure très originale, installée dans un établissement public de bains-douches ouvert en 1932, et conçu dans le plus pur style Art Déco (mention spéciale à la magnifique verrière que l’on aperçoit sur la photo). Après la fermeture de la piscine à la fin des années 80, la ville, qui cherchait un endroit pour y présenter les collections amassées au fil du temps (le musée muncipal ayant fermé dans les années 50), décide de réinvestir le bâtiment.

L’œil du Rat :

Dès l’entrée, on est tout de suite plongé dans l’ambiance, avec des photos de baigneurs en costumes, des panneaux « baignoires dames/baignoires hommes » ou « vestiaires ». Dans la salle principale, le grand bassin en eau oriente le regard et définit l’espace à lui seul ; des bruits d’eau et de cris de nageurs sont régulièrement diffusés, ce qui crée une atmosphère très particulière, entre immersion et contemplation. Les pédiluves et les espaces douches, de chaque côté du bassin, sont réinvestis pour y présenter des sculptures ou des objets (magnifiques céramiques de Picasso, notamment). Au bout du plan d’eau, un portique en grès polychrome signé Sandier apporte une belle ponctuation.

Les collections picturales sont très axées 19ème siècle, mais j’ai repéré un superbe Foujita et un Vuillard plutôt sympa ; dans la « salle animalière », du côté des baignoires, sont également présentées des sculptures de François Pompon, sculpteur dijonnais que j’apprécie beaucoup.

Le cadre, exceptionnel, justifie à lui seul une visite. Les éléments de la piscine et des baignoires sont admirablement intégrés au projet muséographique, comme les grandes cuves dans la librairie-boutique.

Petits bémols concernant la présentation des toiles (un accrochage traditionnel, donc forcément un peu rigide), et les cartels, trop exhaustifs.

Côté médiation, le musée s’intéresse aux collégiens et aux lycéens, avec le « Promène-Carnet », axé autour de parcours définis dans les collections, avec des thèmes comme « l’art animalier », « le sport » ou encore « la pudeur ».

Les plus jeunes ne sont pas vraiment choyés dans la visite basique ; les quelques dispositifs intégrés au parcours de visite (les « Malles à Jeux » dans les bancs de certaines salles, et très bien conçues par ailleurs) sont plutôt réservés à un coeur de cible âgé de 10 ans et plus, et ne sont pas suffisamment signalés à mon sens.

Le programme d’animations est riche en revanche, avec de nombreux ateliers et la possibilité de fêter son anniversaire au musée, par exemple. Le parcours des sens, notamment les visites olfactives, doit être intéressant à tester : dommage que rien ne soit précisé à l’accueil…ou peut-être juste aux familles avec enfants?

Le musée organise régulièrement des expositions temporaires ; celle que j’ai eu l’occasion d’admirer lors de ma visite, une belle rétrospective Nathalie Lété, fera l’objet d’un autre billet (le lien ici).

Le + du Rat :

Le restaurant Meert, situé au cœur du musée, est vraiment sympa. Les noms des plats sur la carte sont autant d’allusions aux œuvres présentées lors des expositions temporaires : une continuité plutôt alléchante!