Retour vers le passé!

Il paraît que l’on découvre toujours en dernier les ressources les plus proches de chez soi… je vous emmène donc dans l’Aisne pour ce nouvel article consacré à une structure atypique, le Village des métiers d’antan et Musée Motobécane, à Saint-Quentin! J’y ai récemment effectué ma deuxième visite, à l’occasion d’une réunion organisée sur place, et j’y ai redécouvert avec grand plaisir les collections présentées thématiquement, sous la forme d’une reconstitution de village.

Cette forme assez typique de l’écomusée se retrouve dans de nombreuses structures en France, comme à Dijon au Musée de la Vie Bourguignonne, ou en Alsace à l’écomusée d’Ungersheim (retrouvez mon article juste ici), mais aussi à l’étranger : je pense notamment à Morwellham Quay, dans le Devon, et au Highland Folk Museum en Écosse.

Ce qui séduit dans ce « Village » axonais, c’est avant tout l’implication des bénévoles, dynamisés par l’énergie du fondateur du lieu, Roland Lamy. Ce passionné a commencé par créer, en 1998, l’association « Loisirs et Traditions de France », dont le but premier est la sauvegarde du patrimoine des vieux métiers : cette préservation des savoir-faire anciens passe avant tout par la collecte de matériel autour duquel les bénévoles ont progressivement développé des animations : barattage, présentation d’objets, promenades en calèche… L’association auto-financée, qui accumulait les objets depuis des années sans lieu pour les présenter, a bénéficié en 2008 du soutien de la ville de Saint-Quentin, qui a mis à sa disposition la friche industrielle de l’usine Motobécane ; délocalisée à Saint-Quentin en 1951 après ses débuts à Pantin, la marque Motobécane devient MBK dans les années 80 et déserte alors ses locaux de la rue de la Fère, laissant ainsi le champ libre pour la création du musée, qui ouvre ses portes en 2012. Aujourd’hui, plus de 70% des objets présentés dans le musée sont des achats de l’association.

L’œil du Rat :

La visite dure une bonne heure, voire plus si l’on s’attarde à contempler chaque commerce : le musée s’étend quand même sur plus de 3000 m2 ! Le parcours s’articule en deux temps, le visiteur pénétrant d’abord dans le « Village » avant de découvrir le musée Motobécane, au même niveau mais un peu à l’écart.

Le Village des Métiers d’Antan est constitué d’une bonne vingtaine d’échoppes réparties le long des « rues », et présentant plus de cinquante corps de métiers et savoir-faire anciens ;  au sol, un linoléum en relief, façon « pavés », contribue au réalisme de la présentation. Les différentes reconstitutions recomposent des atmosphères typiques, peuplées de mannequins, et abritant des objets datant pour la plupart d’entre 1860 et 1960. Le tonnelier, la librairie, l’école, l’imprimerie, la boutique de la modiste, la blanchisserie, l’atelier du sabotier… il y en a pour tous les goûts, et les reproductions sont très minutieuses.

Le village est occasionnellement animé par des bénévoles costumés, qui renseignent et guident les visiteurs. Leur intervention est d’autant plus intéressante qu’il n’y que peu de cartels indiquant la nature des objets présentés, probablement pour préserver l’impression de réalisme et alléger le regard du visiteur, qui agit ainsi plus en curieux déambulant dans les « rues » qu’en touriste avide d’informations précises. Un audioguide est cependant disponible à l’accueil pour qui souhaiterait en appendre plus. Aux murs sont apposés les noms de rues, mais également des plaques plus discrètes mentionnant les entreprises partenaires et éventuellement donatrices.

Au terme du parcours, qui décrit un large « U », le visiteur a la possibilité de s’attabler sur la place centrale, pour prendre un verre au milieu des collections… et pourquoi pas pour tester le petit baby-foot vintage!

Si le « Village » accueille un public familial, la partie réservée au musée Motobécane, qui rassemble une centaine de modèles, fera plutôt le bonheur des passionnés, qui sauront faire la différence entre la « Chaudron » et le « Magnum » (ce dont je reste incapable, honte à moi). L’architecture de l’ancienne usine est parfaitement mise en valeur dans cette section, et les véhicules motorisés présentés dans l’écrin de leur contexte d’origine n’en sont que plus intéressants (vous l’aurez peut-être compris, le Rat de Musée est fan des friches industrielles… je vous en parlerai plus longuement un jour, promis! 😉 ).

 

Le + du Rat :

A l’occasion de la réunion à laquelle j’ai participé récemment au Village des Métiers d’Antan, j’ai appris l’existence d’une autre association, « L’Outil en Main », qui travaille elle aussi sur la transmission des savoir-faire, et propose de nombreuses initiations à des corps de métier plus ou moins en voie de disparition, par des professionnels, et avec de vrais outils, pour les enfants entre 9 et 14 ans. J’ai trouvé le concept génial! Pour en savoir plus, rendez-vous sur leur site, juste ici.

 

 

 

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Bienvenue en Utopie : le Familistère de Guise.

Très proche de mon lieu de résidence, le Familistère de Guise est une visite incontournable à faire dans l’Aisne. C’est toujours avec plaisir que j’en redécouvre les différents bâtiments et que je le recommande à qui veut bien me prêter l’oreille ; bien que je m’y sois déjà rendue trois fois, je n’avais jamais encore rédigé d’article pour le présenter…corrigeons cela sans plus attendre!

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Pour comprendre le contexte d’édification de cette utopie architecturale qu’est le Familistère, il faut d’abord présenter son fondateur, Jean-Baptiste André Godin (1817-1888). Fils de simples ouvriers, cet autodidacte nourri de lectures socialistes mise sur son ingéniosité et son talent. Il se retrouve ainsi rapidement à la tête d’une entreprise florissante de poêles en fonte, installée à Guise, au nord de l’Aisne. Parallèlement au développement de son usine, Godin décide de mettre en pratique les idées fouriéristes et saint-simoniennes qu’il a assimilées en les adaptant à ses propres convictions. Son terrain de jeu? Le Familistère, un incroyable ensemble architectural constituant une cité de 2000 habitants, un « Palais Social » où ses ouvriers trouveront tout ce dont ils pourraient avoir besoin ou envie. Godin en dessine lui-même les plans : partant du principe simple qu’un travailleur efficace est un homme aux conditions de vie saines, et que labeur et vie personnelle sont étroitement liés, il souhaite proposer à ses ouvriers un cadre non seulement salubre mais aussi et surtout épanouissant. En bon phalanstérien, il entend également développer les valeurs liées à la famille et au sentiment religieux.

SAMSUNG CAMERA PICTURESLe Familistère est édifié entre 1859 et 1884, mais connaîtra par la suite de nombreux remaniements. « Au Familistère, 1500 personnes peuvent se voir, se visiter, vaquer à leurs occupations domestiques, se réunir dans les lieux publics, et faire leurs approvisionnements sous galerie couverte sans se préoccuper du temps qu’il fait et sans jamais avoir plus de 160 mètres à parcourir », écrit Godin. Hygiène et confort priment pour la construction des bâtiments en brique rouge, dont certains sont dévolus à l’habitation et d’autres aux infrastructures utilitaires (les économats, les magasins, la nourricerie pour les enfants de quelques semaines à 2 ans, le pouponnat pour les 2-4 ans, etc.) et de loisirs (les jardins d’agrément, le théâtre, la piscine, ou le kiosque à musique, qu’utilisent régulièrement les différentes associations culturelles ouvrières.).

La visite du Familistère commence généralement par les trois bâtiments principaux, rassemblés autour d’une vaste cour abritée d’une verrière absolument incroyable, surtout lorsque le soleil illumine les panneaux qui la composent. Mosaïque au sol, acier et verre pour les étages… au centre de la structure, le visiteur prend avec émerveillement la mesure du projet de Godin.

Quelques bandes sonores habilement diffusées participent à la recréation de l’ambiance qui devait régner au quotidien dans ces pavillons où se côtoyaient patrons et travailleurs (l’appartement de Godin est quand même très grand, et un peu à part…le circuit de visite permet de s’en rendre compte!). Le matin, les enfants se rassemblaient dans la cour avant de partir à l’école en chantant, là encore dans un esprit très phalanstérien. Le mauvais sujet qui se tenait mal, ou l’enfant négligé, mal débarbouillé, se repéraient vite dans la troupe. La disposition des logements contribuait en effet à la surveillance de chacun par ses voisins, dans un esprit de communauté et d’autodiscipline…un peu sectaire quand même, surtout quand on sait que les « nouveaux arrivants », notamment les épouses rencontrées à l’extérieur, devaient littéralement montrer « patte blanche » au cours d’un examen d’hygiène et de propreté.

La scénographie, très bien conçue, permet au visiteur de déambuler dans la plupart des espaces (deux des pavillons sont à l’heure actuelle fermés au public), d’en apprendre plus sur la construction du Familistère et le développement de l’usine Godin, mais également de découvrir la vie quotidienne des ouvriers à travers de petites expositions thématiques réparties dans les logements.

A titre personnel, j’aime beaucoup la reconstitution du deux-pièces loué par un couple au début du XXème siècle ; des adhésifs découpés évoquent habilement le mobilier typiquement présent dans ce type de logement, tandis que la parole est donnée au couple via les citations apposées sur les murs, qui émaillent le parcours de façon ludique. Autre coup de cœur, la buanderie-piscine avec son petit bassin dont le plancher pouvait être remonté pour permettre aux femmes et aux enfants d’apprendre à nager dans les meilleures conditions. L’exposition sur l’hygiène est très pertinente et l’éclairage à la fois naturel (zénithal) et artificiel (très beau jeu de contrastes) magnifie le bâtiment.

Le théâtre se visite également, avec une petite projection toutes les heures environ ; les bâtiments des écoles, qui l’environnent, ne sont quant à eux pas accessibles au public, car ils remplissent toujours leur fonction d’origine et accueillent une centaine d’enfants à l’année. Le mélange entre le musée et le lieu d’habitation toujours exploité fonctionne d’ailleurs très bien : on a l’impression que l’esprit communautaire n’a pas vraiment disparu, même si la gestion associative mise en place à la mort de Godin n’a pas survécu au mouvement de mai 1968. Je vous recommande la visite guidée qui vous permettra de bénéficier d’un éclairage intéressant, notamment sur l’exposition des Économats, qui présente les idées de Godin et ses inspirations d’une manière un peu technique pour le profane (j’en parle en connaissance de cause!). Si vous manquez de temps, concentrez-vous sur le bâtiment principal et la buanderie-piscine. En revanche, si vous avez bien géré votre visite (comptez deux bonnes heures pour faire le tour des espaces), et si la météo s’y prête, n’hésitez pas à faire un petit tour dans les jardins d’agrément, très bien entretenus. Enfin, sachez que de nombreux événements culturels y sont programmés à l’année, souvent au Théâtre ; le 1er mai au Familistère est un incontournable!

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Je suis fan de la signalétique!